Lettre reçue de la part du directeur de cabinet de Nicolas Florian le 1er mai 2020.
Plan global de déconfinement de la Ville de Bordeaux
Les mesures nationales de déconfinement annoncées par l’État placent les communes en première ligne pour faire redémarrer la France. Comme chaque fois que l’essentiel est en jeu, les maires se sont placés au service des Français, en appui de l’État. Ainsi, dès l’intervention du Président de la République le 13 avril 2020, et dans un esprit de responsabilité, la ville de Bordeaux s’est rapprochée de la Préfecture, du Rectorat et de l’Agence Régionale de Santé pour bâtir un plan global de déconfinement.
D’une part, bien qu’elle n’exerce pas de compétence médicale, la ville de Bordeaux fait de la santé des Bordelaises et des Bordelais une priorité de premier rang.
D’autre part, elle inscrit ses préconisations dans la perspective d’un retour le plus rapide possible à une dynamique économique et sociale qui limite les effets de la crise pour tous les Bordelais et permette le retour d’une vie sociale et la relance des activités économiques dans le respect des impératifs sanitaire et écologique.
Ce plan en 8 volets tient compte du cadrage national mais également du degré de consentement de la population, un facteur essentiel pour garantir la réussite de ce qui sera mis en place, et de la progressivité du déconfinement. Il se concentre sur le redémarrage des premières activités ciblées par l’Etat (écoles, crèches, transports, entreprises…), il est adaptable, évolutif et sera nécessairement complété à l’avenir.
Axes de travail
- Accompagner et garantir la sécurité sanitaire
- Organiser la solidarité
- Réussir la réouverture des écoles et des crèches
- Ouvrir les services et espaces publics progressivement
- Organiser les déplacements et la mobilité
- Soutenir et relancer l’économie
- Garder le lien avec la culture, le sport et les animations
- Adapter la gestion des ressources humaines
Réponse de Bordeaux en Luttes envoyée le 4 mai 2020.
Nos propositions, remarques et interrogations (lundi 4 mai 2020)
Vous nous demandez des propositions concernant le plan de déconfinement prévu le 11 mai. A 1 semaine de là, vous avez certainement bien avancé, plus que ce qui nous est envoyé, et on imagine même que votre « plan » est quasi finalisé. Du coup cela relativise la discussion que vous proposez et fait douter de la réelle prise en compte de nos avis. Mais comme vous nous le demandez, on vous le donne avec plaisir et conviction.
D’abord, vous situez le plan de sortie du confinement dans le cadre des décisions du gouvernement. Nous pensons qu’il est nécessaire au contraire d’aller au-delà, avec des aménagements prenant en compte les situations particulières locales, ce qui est légalement possible et prévu par les textes, pour mettre en place une politique de santé publique qui réponde aux craintes et surtout aux besoins réels de toute la population.
Il s’agit globalement durant toute la crise sanitaire, qui pourrait continuer des mois encore, de mettre en place des services publics de proximité, en coopération avec l’ensemble des collectivités locales, de Bordeaux-Métropole, des autres municipalités, de la Région, du Département et aussi de l’ARS et de la Préfecture.
Pour nous, le déconfinement tout comme la gestion qui suivra, doit s’effectuer en lien direct avec les populations dans les quartiers, en consultant et en impliquant le tissu associatif, sur les organisations syndicales, sur les habitant.e.s volontaires pour travailler, aider, soulager, participer à la vie collective. C’est nécessaire tout le temps mais là dans la période que nous vivons, c’est encore plus fondamental.
Vous le dites vous-mêmes, il faut tenir compte du « degré de consentement » de la population, plus que ça, il faut aussi tenir compte du degré de participation qui sera déterminant pour la réussite du déconfinement.
A ce titre, la population ne doit pas être « infantilisée » ou mise en position de subir des consignes et des contrôles, voire d’être verbalisée quand les règles ne sont pas respectées, comme cela a été trop souvent le cas.
La police a son rôle à jouer, nous n’allons pas lancer un débat maintenant, mais il doit être le plus réduit possible. Même si Bordeaux n’est pas la ville connue pour un niveau de répression important, ceci dit, dans les quartiers comme le Grand Parc et surtout les Aubiers, il y a eu des interventions qui méritent explication.
Nous savons que les conditions de confinement sont plus dures et moins supportables dans les conditions sociales défavorisées. La répression ne fait qu’accentuer les inégalités, elle ne résout pas les difficultés. C’est pour cette raison que les solutions passent plus par l’intervention de travailleurs sociaux, par des réponses économiques, par des emplois, des services publics, par des mesures sociales.
Les habitants dans les quartiers doivent avoir un « degré » d’autonomie garantie, des moyens pour agir collectivement, des possibilités d’organiser leur quotidien, de décider de ce qui les concerne. C’est une question de démocratie, de confiance, une question essentielle de vie sociale collective.
Voici nos propositions plus précises
en respectant les axes de travail que vous avez établis :
Accompagner et garantir la sécurité sanitaire
C’est fondamental, il faut assurer la gratuité des masques pour toute la population. La distribution doit être assurée uniquement dans les pharmacies ou par les médecins généralistes, par des structures publiques dans les quartiers.
Rendre le dépistage obligatoire pour toutes les personnes en contact avec le public : personnel soignant, enseignant.e.s, personnel des services publics, salarié.e.s dans les commerces (petits ou grands), …
Cela pourrait se faire dans des dispensaires de santé, dans chaque quartier, avec des médecins généralistes, en lien avec l’ARS, le système hospitalier, qui permettraient d’assurer à la fois accueil, information, tests de dépistage et donc ravitaillement en masques ou gels hydro-alcooliques.
Des dispensaires qui incluraient aussi un personnel de travailleurs sociaux (éducateurs, animateurs, médiateurs …) car la réponse à la crise ne peut se réduire à des contrôles policiers. On le sait, une partie des habitant.e.s vit mal ou très mal le confinement et l’épidémie, pour des raisons de difficultés économiques, sociales ou psychologiques. Il y a besoin de mettre les moyens pour développer des réponses sur le terrain. C’est du personnel et des structures. Seul un service public de santé, social, présent partout peut répondre aux urgences, aux besoins de toute sorte (maladie, violences diverses, aides …).
Et puis, même si cela ne dépend pas uniquement de la mairie de Bordeaux, même si le maire est le président du conseil d’administration du CHU, nous rappelons l’importance de stopper tous les projets de fermeture des urgences de St André et de l’hôpital Robert Picqué, d’oeuvrer pour qu’une politique à l’opposé des logiques de marchandisation soit mise en place dans la santé, pour qu’il y ait des recrutements de personnels soignants, des réouvertures de services et de lits, annulant ainsi toutes les suppressions passées qui démontrent encore plus aujourd’hui leur absurdité criminelle.
Organiser la solidarité
D’abord, le rôle des pouvoirs publics est de garantir protection à toute la population. Assurer un logement pour les plus précaires et les sans-abris c’est fondamental. Cela passe forcément par des réquisitions de lieux publics, d’auberges, d’hôtels qui sont aujourd’hui quasiment tous inoccupés. Cela a été amorcé mais c’est insuffisant. Trop de gens vivent dehors aujourd’hui.
Les pouvoirs publics se renvoient les responsabilités et du coup se refusent à prendre les décisions qui s’imposent pour mettre à l’abri toute personne en danger : cela concerne le logement, c’est la base quand même quand on affirme qu’il faut « rester chez soi pour protéger ». Il faut garantir l’accès à l’hygiène donc l’accès à l’eau, aux douches, aux toilettes (mise à disposition de lieux supplémentaires, les douche des stade Chauffour sont insuffisantes).
Il est nécessaire que ce soit les services municipaux, les services sociaux de fournir les masques, le gel, des kits hygiènes aux personnes sans-abris.
La ville et l’agglomération sont riches de structures qui permettraient de répondre efficacement aux urgences constatées.
La mairie, les collectivités territoriales doivent continuer de donner les moyens financiers aux associations qui assurent concrètement et quotidiennement (à la place des pouvoirs publics ?) la solidarité et l’aide aux plus démunis. Les budgets prévus pour des initiatives annulées comme la fête du vin ou le sommet afro-français doivent être réorientés vers les aides sociales urgentes.
La mairie, les collectivités locales peuvent agir aussi pour que les loyers des familles les plus en difficulté soient suspendus voire annulés pour la période actuelle.
Priorité doit être mise aussi pour assurer la cantine gratuite pour tous les enfants des familles dans le besoin. Ces familles sont déjà recensées donc cela ne doit pas être compliqué. On sait que la mairie a commencé de prendre quelques initiatives ponctuelles en ce sens mais il y a besoin de mettre en place un système global et stable pour les mois qui viennent.
Réussir la réouverture des écoles et des crèches
La base pour réussir la « reprise », c’est une réouverture des écoles en lien avec les personnels des écoles (éducation et autres), besoin de leur avis et accord. Pour les maternelles, garantir qu’il y ait 2 adultes dans la classe (enseignant.e + ATSEM) pour faire respecter les gestes barrières aux enfants très jeunes.
La condition minimale c’est de garantir la quantité de masques de protection (ceux qui protègent vraiment, les FFP2/FFP3), de gel hydro-alcoolique, de produits de désinfection, sans oublier un personnel suffisant pour nettoyer quotidiennement toutes les écoles.
Garantir le respect du droit de retrait si les conditions de protections de sont pas réunies.
Prendre la décision de ne pas réouvrir l’école quand il n’y aura pas toutes les conditions réunies : manque de matériel ou désaccord du personnel.
L’organisation s’annonce très compliquée et pas acquise du tout. La mairie semble vouloir organiser un accueil des enfants en dehors des écoles. C’est une bonne idée. Mais cela suppose des lieux (qui semblent avoir été trouvés) mais aussi des moyens humains, donc des recrutements en personnel (animateurs …), quelles activités seront proposées (soutien scolaire, des jeux …) ?
Concernant les cantines scolaires : elles ne réouvriraient pas en tant que telles mais il parait nécessaire de fournir les repas surtout aux enfants des familles en situation difficiles. Comment cela s’organiserait ? Comme nous vous l’avions déjà demandé/proposé lors d’un courrier précédent, pour les enfants qui ne rentreront en classe pas le 11 mai, il est important de prévoir une aide aux plus précaires, de mettre en place un système automatique, prévu pour durer, au moins jusqu’à la rentrée prochaine.
Ouvrir les services et espaces publics progressivement
Nous sommes pour l’ouverture progressive, en mettant les moyens humains et matériels pur assurer la protection.
Concernant la réouverture de services ou espaces, il y a ceux existants et puis il y a eux qui pourraient être nouveaux, incluant des besoins nouveaux. On pense par exemple à des lieux d’accès à internet gratuit pour celles et ceux qui n’ont pas de connexion, cela concerne notamment les enfants scolarisés des milieux modestes qui n’ont pas ni ordinateurs, ni imprimantes, ni logiciels qui permettent de travailler correctement.
Organiser les déplacements et la mobilité
Faut un plan « spécial » qui s’applique durant au moins toute la période de l’état d’urgence sanitaire (à savoir au minimum jusqu’au 24 juillet 2020).
Faciliter les transports et déplacements des personnes : gratuité du stationnement, simplification de la vie quotidienne ; gratuité des transports publics avec suspension des abonnements ; Encouragements pour l’utilisation du vélo avec mise en place progressive d’un réseau cyclable permanent, opportunité d’accélérer le processus.
Tout cela repose à notre avis sur le retour à un service public des transports sur l’agglomération, à la remunicipalisation de la gestion du stationnement et des parkings.
Les masques seront obligatoires dans les transports en commun et aux arrêts de bus-tram. Pourquoi pas l’obligation du port des gants ? N’est-ce pas plus efficace couplé avec les masques ?
Nous sommes opposés à la verbalisation des contrevenants aux règles (135 euros !). Nous pensons qu’il est plus judicieux de favoriser la prévention, d’interdire l’accès aux transports sans masques. Cela signifie une présence de personnels qui expliquent, qui informent et pas seulement de contrôleurs qui verbalisent. Mais à la base, il faudra avant tout assurer le ravitaillement gratuit et systématiquement en masques pour toute la population.
Est-il prévu de recruter du personnel et d’apporter des moyens supplémentaires, pour le nettoyage (bus, tram, vélos, arrêts), pour la surveillance, pour accueillir, informer, pour la prévention ?
Soutenir et relancer l’économie
Soulager et aider les petits commerçants : ils font partie des personnes en « première ligne ». Les moyens de protections (masques et gants obligatoires ?) devraient leur être fournis gratuitement, comme pour le personnel soignant, comme pour toutes celles et ceux obligé.e.s de travailler en contact avec le public. Ils ont aussi besoin de formations, d’aides et conseils pour se protéger et pour protéger les autres. Ils ont de fait un rôle important de communication publique car en contact avec beaucoup de personnes (plusieurs centaines par jour).
Autonomie alimentaire : pérenniser l’expérience du marché des producteurs de la place des Quinconces, trouver une régularité qui correspond aux besoins des producteurs ou et consommateurs (hebdomadaire ou mensuel ?) ; favoriser la mise en place d’autres petits marchés de producteurs locaux (drive ?) dans les quartiers ; avoir une politique qui favorise les circuits courts, l’autonomie alimentaire en favorisant l’installation, la création de maraichers, de petits paysans dans l’agglomération, trouver des espaces (il y en a) préservés pour le maraichage et non pas systématiquement pour des constructions immobilières. C’est une manière de répondre à la crise actuelle, il y a un besoin de produire et consommer différemment.
Pour nous la relance de l’économie passe bien par un redéveloppement des services publics, par des recrutements d’un personnel compétent, présent pour répondre aux besoins de la vie sociale et collective. De ce point de vue, les pouvoirs locaux ont un rôle à jouer, pas seulement pour financer des aides aux entreprises privées mais bien aussi en prenant en charge des secteurs économiques vitaux pour la population. Développer des lieux publics de rencontres, d’informations, des dispensaires de santé … font partie de ces initiatives. Mais on pourrait publics très bien imaginer de mettre en place des lieux de fabrication de masques ou autres choses utiles qui seraient distribuées ou gratuitement ou à prix coûtant aux habitant.e.s.
Garder le lien avec la culture, le sport et les animations
Développement de petites structures, de lieux dans les quartiers, en lien bien sûr avec les salarié.e.s des salles des fêtes, des bibliothèques, des centres d’animations mais aussi en encourageant la participation des habitant.e.s, en s’appuyant sur des initiatives locales.
Aider au redémarrage de l’activité culturelle des petites structures (cinéma, théâtres, concerts, spectacles …) : encourager et ne pas entraver, aider matériellement pour que se reconstruisent les liens entre structures et habitant.e.s, pour que s’imaginent, s’inventent, se concrétisent des modes d’actions culturelles nouvelles, adaptées à la situation, avec moins de monde, assurant toutes les précautions, cela suppose des moyens mis à dispositions, une politique qui aide pour éviter les « écroulements » et disparitions.
Aider au maintien, à la sauvegarde du statut et des resources pour les intermittent.e.s du spectacle.
Adapter la gestion des ressources humaines
Embaucher du personnel sous statut public dans les services municipaux de nettoyage de manière à traiter tous les quartiers de la même manière, ce qui n’a jamais été réellement le cas.
Recruter du personnel sous statut public dans les services sociaux, pour garantir des structures publiques dans les quartiers (santé, socio-éducatif, culturel, animation et vie de quartier …).
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