De nombreuses associations rassemblent depuis des mois des informations de plus en plus précises montrant qu’un débat sur les dangers de la 5G est indispensable avant d’en tartiner le pays tout entier, avec toutes les conséquences environnementales, économiques, énergétiques, sanitaires.. Une tribune est parue dans le Monde début septembre développant les points importants. La pétition initiée par les associations Agir pour l’environnement et PRIARTEM[1] a déjà rassemblé plus de 125 000 signatures pour exiger un moratoire sur la question.
A Bordeaux, une réunion publique à l’initiative du collectif « Stop 5G » rassemblant un centaine de personnes (et des milliers d’autres qui l’ont suivie en live) a eu lieu le 24 septembre dernier pour exiger un véritable débat avant tout déploiement de cette technologie c’est à dire un moratoire.
Image STOP 5G
Il semblait évident que la nouvelle équipe municipale de Bordeaux qui s’est faite élire avec les couleurs de l’écologie allait reprendre ce combat que mènent pratiquement toutes les associations écologistes et bien au-delà, tous ceux qui sont soucieux de l’application du principe de précaution avant le fameux principe d’innovation qui sert de gouvernail à notre gouvernement comme à la Commission européenne (avec bien sûr, le principe de la croissance des profits pour l’oligarchie qui les soutient).
Un vœu était soumis au Conseil municipal de Bordeaux ce mardi 29 septembre. Après avoir rappelé l’effet rebond que l’on peut prévoir sur la consommation de données et d’électricité avec cette technologie, l’obsolescence des téléphones portables qui va être accélérée et ses effets sur l’extraction de métaux rares, les risques accrus pour la santé des personnes électrosensibles, considérant que les études d’impacts ne sont pas faites et que le moratoire sur la 5G est l’une des propositions de la convention citoyenne pour le climat, que le président de la République s’est engagé à étudier, le vœu annoncé se formulait ainsi : Le Conseil municipal
- Demande au Président de la République et au Gouvernement de reporter le lancement des enchères et mettre en place un moratoire sur le déploiement de la 5G ;
- Souhaite que le Gouvernement commande la réalisation d’une étude globale et indépendante des impacts climatiques, environnementaux, sanitaires, technologiques et financiers.
- Demande qu’un débat public sur la 5G soit enclenché au niveau local et national afin d’avancer en toute transparence sur ce sujet.
- Demande pour les communes le droit à la subsidiarité concernant l’application du principe de précaution.
Dans le débat qui a suivi la présentation de ce texte, la droite est intervenue en premier en défense de la 5G mais pas de façon inconditionnelle, sur le thème il n’y a pas de danger confirmé, attendons de voir, pour un débat apaisé. Vote « contre » ou « abstention ». Thomas Cazenave pour LREM s’est fait le chantre du principe d’innovation.
Les élus de Bordeaux en Luttes sont intervenus pour dire qu’ils voteront « pour » la motion :« Nous pensons même qu’il faut interdire la mise en place de la 5G, parce que c’est inutile, que les risques sur la santé sont réels ».
Ensuite le maire a cherché le « consensus » et proposé à la droite d’amender le texte pour obtenir le vote de tous. Pourquoi diable s’arcbouter sur un unanimisme qui ne correspond à rien ? Comment les défenseurs de la croissance à tout prix, y compris au prix de l’habitabilité de la planète, pourraient-ils sincèrement partager ces objectifs qu’ils combattent tous les jours ? Comme si le consensus était la base de la démocratie, comme l’a rappelé Antoine Boudinet, et pas le dissensus.
Suspension de séance : négociation du Maire avec LR et LREM pour amender : le mot « moratoire » est enlevé car contre-productif et nuisible à « l’attractivité économique de Bordeaux ». C’était l’essentiel pour la droite (et très important pour LREM), et le droit à la subsidiarité des communes qui signifie que ce n’est pas à l’État central de décider de l’application de principes fondamentaux sur les territoires mais aux collectivités. Voici en rouge les modifications.
Demande au Président de la République et au Gouvernement de reporter le lancement des enchères et mettre en place un moratoire sur le déploiement de la 5G ;- Souhaite que le Gouvernement commande la réalisation d’une étude globale et indépendante des impacts climatiques, environnementaux, sanitaires, technologiques et financiers.
- Demande qu’un débat public sur la 5G soit enclenché au niveau local et national afin d’avancer en toute transparence sur ce sujet.
- Demande
pour les communes le droit à la subsidiarité concernant l’application du principe de précautionque les villes concernées soient consultées avant la mise en œuvre effective de la 5G à haute fréquence sur leur territoire.
Enfin le titre même du vœu est devenu « Vœu pour une étude d’impact préalable au déploiement de
la 5G à haute fréquence » à la
place de « Vœu pour un moratoire sur le
déploiement de la 5G, la réalisation d’une étude globale d’impact ».
C’est donc tout ce qui constituait une exigence de moratoire, c’est à dire de report tant que les autres demandes ne sont pas satisfaites qui est ainsi évité. L’argutie consiste à dissocier les fréquences de la 5G qui sont en cours d’attribution (3,4-3,8GHz) des hautes fréquences à venir (26GHz) en faisant semblant d’ignorer que l’installation des antennes et le changement des terminaux sera déjà une gabegie énergétique (par l’énergie grise consommée) et servira de cheval de Troie à la suite. C’est aussi le principe de subsidiarité des communes qui veulent décider sur leurs territoires de l’application du principe de précaution. Rien que ça !
LR a voté le texte ainsi modifié. Le PC aussi, sans doute flatté par la référence à F. Roussel du petit étudiant de Sciences Po, hériter de son grand-père. LREM s’abstient sur le texte sans se priver se réjouir du retrait du terme moratoire !
Seul le groupe de BeL s’est abstenu en critiquant le retrait du terme moratoire.
Les sourires étaient larges sur les visages de la droite (Centre, LR, LREM) : opération déminage réussie. On a pu téléphoner à Macron le soir même : « chef, à Bordeaux, pas de moratoire ».
Epilogue
En 2013, Les Jeunes écologistes avaient offert une paire de couilles à François Hollande pour qu’il ait le courage de faire face à la Manif pour Tous, et au Medef. L’argument qui se voulait « choc » était particulièrement sexiste. Aucune étude scientifique n’a jamais fait la démonstration que le courage se localise dans les organes génitaux mâles et toute l’histoire de l’humanité tend même à démontrer le contraire.
Mais pour Noël, nous avons bien envie de mettre sous le fameux-sapin-qui-fait-le-buzz-et-évite-d’aborder-les-questions-de-fond, un paquet cadeau contenant du courage politique pour notre maire qui en manque furieusement. Faut juste qu’on trouve où il pourrait s’en procurer. Peut-être en relisant ses engagements de campagne ? Peut-être en partageant les luttes de tous ceux qui sont sur le terrain des grands enjeux écologiques d’aujourd’hui (pesticides, 5G, contrôle des sites Seveso, accès à l’eau, transports gratuits… ça ne manque pas) ?
Sylvie Nony
Les dessins sont de Piérick, dans Fakir.
[1]Pour rassembler, informer et agir sur les risques liés aux technologies électromagnétiques
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