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Les détails sont encore débattus par les scientifiques pour savoir si l’épidémie actuelle a son origine dans les changements environnementaux, les déforestations, l’élevage intensif, la chute de la biodiversité et/ou la modification de l’habitat des animaux.

Ce qui est sûr en revanche c’est que sa propagation, elle, est liée à une mondialisation des échanges débridée, qui, en quelques décennies, a entraîné un déménagement permanent du monde basé sur une consommation sans retenue d’énergie fossile. Un déménagement dont les responsables ne payent jamais le prix. Que ce soit pour importer le soja OGM du Brésil, ou pour délocaliser une usine de masques FFP2 en Tunisie, le coût réel de ces opérations est payé par ceux qui ne voyagent pas : ceux qui produisaient les masques en Bretagne, ceux qui voient le niveau de l’océan prêt à engloutir leur île en Indonésie par exemple, sans parler des paysans qui se suicident (un tous les deux jours, avant la crise du Corona ) dans notre pays.

Une épidémie inégalitaire

La propagation du virus est sans doute aussi liée aux aérosols et aux particules fines qui sont dans l’atmosphère. Double peine pour ceux qui habitent les zones industrielles polluées comme l’Italie du Nord. Contrairement à ce que disent certains, nous ne sommes pas tous exactement dans le même bateau.

Mais il est une autre source d’inégalité. Les facteurs de co-morbidité, ces maladies chroniques qui aggravent terriblement le covid-19 au point que 5 % des malades en décèdent sont des pathologies comme l’hypertension, le diabète, les maladies cardiovasculaire, les cancers, etc. Or on sait que les facteurs à l’origine de ces maladies chroniques sont la malbouffe, la pollution, le stress, la sédentarité, autant de problèmes liés à l’environnement, aux conditions de vie et de travail.

Enfin et surtout, selon que vous viviez dans un bidonville à Villenave d’Ornon ou dans une maison avec sanitaires et jardin, selon que vous soyez migrant dans un camp ou à l’abri et correctement nourri, la maladie et ses conséquences ne seront pas les mêmes.

Cette épidémie a donc un point commun avec toutes les catastrophes qui nous attendent. Canicules, disettes, tempêtes, montées des eaux seront de formidables révélateurs des inégalités qui ne cessent de croître en France et sur la planète. Elles seront aussi aggravées par les inégalités.

Y a-t-il des alternatives ?

A Bordeaux en luttes nous avons mené campagne sur les services publics, leur défense, la gratuité, l’accès pour tous. Et tout ce qui se passe ces dernières semaines nous conforte dans l’idée que c’est le « protectionnisme » le plus efficace !

Nous voyons bien avec notre système de santé public malmené par des décennies de « réduction de la dette publique » et 20 ans de politique libérale qu’il est au bord du gouffre. L’absurdité de cette politique semble sauter aux yeux de tous aujourd’hui, y compris de ceux qui sont les premiers responsables du manque de personnel soignant, de lits de soin intensif, de respirateurs et de masques. Mais nous savons bien qu’il faudra le rappeler avec force le jour d’après le confinement, tant la priorité de nos gouvernants n’est ni l’humain ni l’environnement.

Un service public c’est le moyen de changer radicalement de logiciel pour prendre en compte les enjeux environnementaux puisqu’il est évident que la « loi du marché » ne peut pas le faire. La gratuité des transports en commun que nous avons portée pendant cette campagne, contre tous les autres candidats faut-il le rappeler, est un levier puissant pour changer de braquet. Que ce soit sur le plan écologique puisque nos déplacements sont la cause du tiers de nos émissions de CO2 ou sur le plan de la qualité de vie puisque les automobilistes passent près de 150 heures dans les bouchons sur l’agglomération bordelaise.

Un service public développé, c’est de l’argent public investi dans l’avenir, dans l’environnement et la santé de tous. C’est autant d’argent qui ne part pas en rente pour les actionnaires (comme viennent de le faire quelques uns des milliards offerts aux entreprises pour affronter la crise). C’est autant d’argent qui ne part pas dans les paradis fiscaux. C’est aussi une possibilité de contrôle démocratique et c’est un véritable investissement dans le bien-être de tous.

On nous dit que ce n’est pas possible.

Avez-vous fait la liste des mesures écologiques et sociales qui n’étaient pas possibles avant mais qui le sont devenues en quelques jours ?

Arrêter les avions, réduire drastiquement le trafic international, suspendre la réforme des retraites et celle du chômage, rendre les transports en commun gratuits (même à Bordeaux!), offrir quelques points d’eau dans la ville, vider le CRA (Centre de rétention administrative des migrants).

On s’est même subitement rendu compte en haut lieu que le jour de carence était une aberration puisqu’il pousse le salarié à venir travailler même contagieux.

Bien sûr, ces mesures sont fragiles, provisoires et loin du compte, nous le savons bien, mais elles sont un point d’appui que nous devrons essayer de transformer. Maintenant que les habitants de Mérignac ont pris goût au chant des oiseaux, maintenant que la pollution de l’air a chuté de façon radicale, maintenant que nous remettons en route des fabriques locales de gel hydroalcoolique ou de respirateurs, il faut revoir nos échelles de valeur. Nous voyons bien qui sont les travailleurs essentiels, outre ceux qui fabriquent les produits de première nécessité : les électriciens, les postiers, les éboueurs, les livreurs, les salariés des services de l’eau, les aides aux personnes dépendantes, les caissières de supermarché, les paysans et, bien évidemment, le personnel médical. Notez que ce ne sont pas les plus gros salaires actuels, au contraire ! A l’inverse, il est évident que les traders, les actionnaires, les lobbyistes en toute genre, les chargés de communication, les dirigeants d’Apple et Bernard Arnaud, pour ne prendre que quelques exemples, ne font pas partie de la liste.

Le jour d’après.

Dès maintenant, comme le réclame la tribune « Plus jamais ça ! », les aides aux entreprises doivent être entièrement conditionnées à la reconversion écologique et sociale. Il nous faut construire une société du partage, résiliente, qui investisse dans l’avenir, c’est à dire tourne le dos à cette gabegie qu’est la surconsommation et se concentre sur les besoins fondamentaux tout en diminuant notre consommation d’énergie : assurer un logement digne pour tous, assurer l’accès à l’eau, à l’hygiène, isoler massivement les logements, développer les transports en commun accessibles à tous, développer le système de santé, développer l’école et l’éducation, l’accès à la culture, soutenir une agriculture de proximité qui se dispense d’intrants chimiques, relocaliser les entreprises qui produisent les indispensables.

A l’échelle de l’État comme d’une commune, ce sont tous les choix d’investissement qu’il faut réviser. Nous refuserons de participer à la relance d’une économie insoutenable, inégalitaire et mortifère. La solidarité est le seul choix qui ait un avenir.

Sylvie Nony, le 29/03/2020

Les photos qui illustrent cet article ont été prise lors du rassemblement pour le Climat du 14 mars dernier (juste avant le confinement), au Miroir d’eau, à Bordeaux.

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