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Vous voulez savoir pourquoi ? Laissez moi vous expliquer un peu ce qui est en train de se passer.

Depuis l’annonce du confinement, les professionnels du spectacle, dont je fais partie, ont été nombreux à se demander comment leur spécificité serait sauvegardée. L’intermittence est un régime défini par deux annexes (8 et 10) dans les textes de l’Unedic, qui protègent nos activités – précaires par nature.

Ces annexes, pour vulgariser, permettent d’aménager le droit au chômage pour les professions, soumises à une succession de contrats courts, comme c’est le cas dans le spectacle : contrat d’une journée par-ci (tournage d’une publicité), quelques semaines par là (montage d’un festival), nous sommes soumis à un éclatement de notre activité en une multitude de petits contrats. Pour nous permettre de nous en sortir entre ces contrats, nous bénéficions donc du chômage, selon des aménagements prévus par les deux annexes que j’ai cité plus haut. Nous sommes finalement une espèce un peu spéciale de chômeurs.

L’une des spécificités est l’obligation de justifier un certain nombre d’heures travaillées sur une période de 12 mois : les fameuses 507 heures. Cette période est propre à chacun et lorsqu’on arrive à son terme, appelé la « date d’anniversaire », il faut à nouveau justifier de ces 507 heures. Logique.

Voici maintenant l’entourloupe.

Par décret du 16 avril, le gouvernement a prévu de rallonger la période d’allocations pour les intermittents ayant une date d’anniversaire qui tombe pendant le confinement, précisément même entre le 15 mars et le 31 mai. Cela paraît normal au premier abord. Les personnes en accession au régime en bénéficient également.

Voici maintenant l’entourloupe. Pour tous les autres, rien. Celui qui est en fin de droits le 2 juin peut aller crever. Celui qui devait faire ses heures cet été sur des festivals tous annulés peut aller crever. Tout intermittent qui a une date d’anniversaire après le 31 mai peut aller crever. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que nos métiers sont soumis à des événements. Des tournages, des spectacles, des festivals, etc. Tout a été annulé, ce qui est tout à fait normal. Mais par conséquent, nous allons tous perdre des mois et des mois de travail, donc perdre des heures pour renouveler nos statuts.

Vous savez ce qu’il se passe si je ne renouvelle pas ? Je n’ai plus aucun droit. Si je n’ai pas de contrat, je n’ai pas de revenu. Pas de chômage, puisque c’est précisément mon intermittence qui remplit normalement ce rôle.

La culture n’est évidemment pas le seul secteur qui va être ravagé par cette crise. Mais c’est le mien, donc je peux en parler. J’ai une pensée pour tous les autres régimes un peu « spéciaux » qui vont se faire détruire par les événements.

Nos gouvernements successifs ont tous rêvé de trouver un prétexte pour démolir notre régime. Il a pendant des années permis à la France de faire exister la culture et ses artisans, bon gré mal gré. Aujourd’hui, ce décret signe notre disparition, et évidemment des milliers de personnes vont se retrouver dans des situations gravissimes.

Ce n’est même plus de honte dont on peut qualifier ce choix. C’est d’un moment d’histoire, un temps dont les livres se souviendront comme celui où un gouvernement a décidé de mettre à mort des métiers et des citoyens.

Il nous reste quelques semaines pour obtenir une extension systématique et sans conditions de notre période de calcul, sans distinction. On compte un peu plus de 100.000 intermittents en France, c’est tout à fait faisable, et il serait bien avisé de parler d’une extension d’au moins 6 mois pour que ce soit une vraie mesure de justice sociale. Ce n’est qu’un exemple de proposition, mais le temps presse.

Diffusez. Diffusez cette information au maximum. Évidemment c’est alarmiste, mais sans signal d’alarme on ne change jamais de direction. Pensez à une chose : les intermittents du spectacle vous permettent de profiter de la culture, et ce même pendant le confinement. S’ils disparaissent, je vous laisse imaginer le néant qui s’en suivra.

Julien Raynaud

www.julienraynaud.fr

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