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La neutralité carbone, c’est pas du baratin !

Bordeaux est désormais relié à Paris (Montparnasse mais aussi Marne -la-Vallée et Roissy) en 2 heures par une LGV qui a couté près de 9 milliards d’euros – 3 Mrds apportés par le contribuable à savoir l’État, les collectivités publiques (villes, départements et régions traversés), 2 Mrds par la SNCF et 3,8 Mrds par LISEA dans le cadre d’un partenariat public-privé que les usagers paieront d’une manière ou d’une autre.

Navette ou LGV ?

Les mêmes élus qui se sont arcboutés pour obtenir de la SNCF davantage de dessertes en 2017 (notamment Alain Rousset) viennent d’adresser une lettre au gouvernement pour s’opposer à l’une des rares mesures écologiques prises dans le cadre du plan d’urgence : les 7 milliards d’aide accordés à AirFrance sont conditionnés par la fermeture de lignes aériennes intérieures lorsqu’existe une alternative en train durant moins de 2h30. Ce qui ne remet en cause, au final, que trois lignes intérieures dont la navette Mérignac-Orly.

Une partie de ces élus soutiennent à n’en pas douter l’appel vibrant, pétri de bonnes intentions, « Au cœur de la crise, construisons l’avenir » publié dans l’Obs la semaine dernière et signé – entre autres – par leurs camarades du parti socialiste. Cet appel affirme que « La France a besoin … de bâtir un plan ambitieux de transition vers une mobilité durable, pour soutenir l’électrification des motorisations, les modes de transports collectifs et partagés, la relance des réseaux ferroviaires… ». Il est vrai que cet appel qui condamne la réforme des retraites, les plans de restructuration de l’hôpital public, ou les attaques contre le code du travail est cosigné par d’ex-ministres des gouvernements Hollande qui ont soutenu en leur temps des attaques similaires.

C’est donc au pied du mur qu’on voit le maçon. Dès la première mesure un peu courageuse à prendre, on voit Nicolas Florian, Patrick Bobet et Alain Rousset vaciller dans leurs ardeurs écolos sous la pression de la Cci et des patrons locaux (et non pas des salariés, comme ils le prétendent, à qui on ne demande jamais leur avis sur leurs modes de transport professionnel). Au moins Pierre Hurmic et Jean-Luc Gleyze, signataires du même appel « construisons l’avenir », n’ont pas cosigné la lettre à Edouard Philippe.

Une proposition de loi

Loïc Prud’homme membre de la liste Bordeaux en Luttes était déjà intervenu avec François Ruffin et le groupe parlementaire LFI en juin 2019 sur ce sujet avec une proposition de loi visant à limiter le trafic aérien substituable au train, c’est à dire lorsque la durée du voyage en train n’excède pas celle du trajet en avion de plus de 2h30. Lors de sa présentation (voir en ligne ici), Ruffin avait démontré l’injustice climatique, territoriale, fiscale que représente la croissance du transport aérien.«  Pour s’aligner sur une trajectoire compatible avec les 1,5°C en France, les émissions de CO2 doivent baisser d’au moins 55 % d’ici 2030. Ces objectifs sont incompatibles avec la croissance du transport aérien, ni même avec son maintien. Ce n’est pas qu’une affaire de comportements individuels : la volonté politique doit suivre. La liberté de voyager n’est pas la liberté de polluer. Il faut une décroissance mondiale des vols. » Cette loi aurait entraîné la suppression d’une vingtaine de lignes dont la navette Merignac-Orly, une perspective à laquelle le ministre EELV de l’époque, F. de Rugy, s’était opposé.

Nous ne pensons pas que la solution aux problèmes de mobilité réside essentiellement dans le télétravail, comme l’affirme P. Hurmic dans Rue89 Bordeaux du 19/05 (media qui n’a pas pensé à interroger P. Poutou ou ses colistier.e.s sur le sujet, dommage). Il faudrait commencer par solliciter l’avis des salariés eux-mêmes car de nombreux télétravailleurs de cette période de confinement ont plutôt eu l’impression que leur employeur a loué gratuitement un bureau, une connexion internet, etc. et qu’ils ont perdu toute notion de temps de travail réglementé. Mais nous pensons que la préservation du climat exige de ne plus céder à des intérêts privés, fussent-ils ceux d’un employeur régional comme Dassault même s’il affirme déplacer ses salariés régulièrement entre St Cloud et Mérignac.

Il faut planifier les décisions, commencer par les seules mesures qui peuvent réduire l’impact de l’avion (qui produit 50 fois plus de CO2/km/passager) à savoir la réduction des lignes desservies. Sinon la « neutralité carbone », c’est du baratin. Lorsque les mesures sont annoncées deux ans à l’avance comme le proposait la proposition de loi LFI, l’industrie peut s’adapter pour définir ses implantations. La transition écologique ne peut pas se faire sans les salariés, les usagers, et sans planifier des objectifs à la hauteur des enjeux.

Sylvie Nony

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